Comment tendre au bouclage du cycle de l’azote sur le territoire du Grand Est afin de limiter la consommation d’énergie, la production de Gaz à Effet de Serre (GES), les pertes azotées dans l’eau et dans l’air des systèmes agricoles tout en renforçant la compétitivité des exploitations et en accompagnant les changements de pratiques dans le cadre de la transition agro-écologique ?
Le Programme Agronomique Régional pour la Transition Agro-écologique en Grand Est (PARTAGE) a ambitionné de répondre à cette problématique. Il a été élaboré avec 18 partenaires acteurs du territoire sous le pilotage de la Chambre régionale d’agriculture Grand Est dans le cadre de l’appel à projet pour le Partenariat Européen à l’Innovation (PEI).
Fort de l’expérience apportée par le projet Auto’N, le Groupe Opérationnel PARTAGE s’en est inspiré pour répondre aux enjeux liés au bouclage du cycle de l’azote. Ce projet a développé et transféré d’une part des innovations techniques (connaissances, outils stratégiques et tactiques) apportant des solutions aux agriculteurs ainsi que des innovations organisationnelles.
Ainsi les 3 axes de travail ont porté sur :
o La réduction des pertes d’azote sur les exploitations
o La production d’azote au champ grâce à la fixation symbiotique (légumineuses en cultures dédiées ou associées, couverts d’interculture, …)
o La valorisation de l’azote organique (digestats de méthanisation, effluents…) par une approche territoriale
Il s’agissait dans un premier temps d’établir un diagnostic initial (exploitations et territoire) afin d’analyser les besoins, les contextes et partager les connaissances sur les leviers émergents permettant de boucler le cycle de l’azote.
Le Groupe Opérationnel s’est appuyé sur un Living Lab, c’est-à-dire un laboratoire vivant composé d’une cinquantaine de fermes de démonstration qui ont testé en conditions réelles des solutions innovantes et partagé leur expérience entre pairs.
Enfin, les acquis de chacun ont été diffusés, transférés et massifiés grâce à des canaux de communication innovants (vidéos, bulletin de l’azote, …).
Ainsi, ce projet visait à positionner les agriculteurs comme des démonstrateurs acteurs du transfert de leurs innovations et de leurs expériences à leurs pairs.
Le projet PARTAGE (Programme Agronomique Régional pour la Transition Agro-écologique en Grand Est) avait pour ambition de partager les innovations de terrain et les références acquises pour tendre au bouclage du cycle de l’azote sur le territoire.
Retrouvez l’ensemble du contenu des newsletters de notre PEI PARTAGE intitulée : La Gazote, la gazette de l'azote !
Au programme : partage d'expériences et de connaissances sur l'azote grâce à un réseau d’experts du Grand Est.
Différents phénomènes sont à l’origine des pertes d’azote sur les systèmes :
À l’épandage, jusqu’à 40% de l’azote apporté peut se volatiliser au champ, et durant les périodes hivernales, l’azote peut être lixivié vers les eaux souterraines sous forme de nitrates, c’est autant d’azote perdu pour la plante.
Il s’agit alors de maîtriser les pertes et mieux apporter l’azote au bon moment pour la plante grâce à une réflexion à l’échelle du système : enchaînement cultural, méthodes de pilotage intégral, nouveaux matériels d’épandage, formes d’azote moins volatiles…
La multiperformance des systèmes de culture testés est évaluée à partir de mesures au champ (azote dans le sol et les plantes, volatilisation d’ammoniac) mais aussi grâce à des outils de simulation permettant d’évaluer les pertes d’azote dans l’eau et dans l’air comme Syst’N®.
La méthode du bilan prévisionnel montre des limites dans sa mise en œuvre, qui entachent notablement ses performances : difficulté sur la manière d’estimer l’objectif de rendement ; manque de confiance dans les résultats de reliquat sortie hiver ; apports calés sur des stades de la culture, induisant une mauvaise prise en compte des conditions météo favorisant l’utilisation, par la culture, de l’engrais azoté apporté ; avancement des apports, en lien avec les risques de sécheresse en mars-avril, plus fréquents ces dernières années, réduisant de fait l’efficience d’utilisation de l’engrais. De fait, ces difficultés affectent les performances agronomiques, économiques et environnementales de la méthode.
Pour pallier ces difficultés, une nouvelle méthode (APPI-N), basée sur le pilotage intégral de la fertilisation a été mise au point. Elle ne nécessite ni reliquat sortie hiver ni de prévision d’objectif de rendement. Elle repose sur un raisonnement dynamique, depuis la sortie hiver jusqu’à floraison, en se basant sur le suivi de l’INN (Indice de Nutrition Azotée de la culture) et sur une trajectoire seuil d’INN à ne pas franchir, sous peine de perte de rendement. L’objectif de cette nouvelle méthode est de maximiser le CAU (Coefficient Apparent d’Utilisation) pour minimiser les pertes azotées, en maintenant les performances de production tant en terme qualitatif que quantitatif.
La méthode a été testée sur 4 années en Grand Est et montre des résultats prometteurs, découvrez-les ici :
Ressources :
La lixiviation est le processus au cours duquel l'eau passe au travers des pores du sol en entraînant les éléments très solubles dans l’eau comme le nitrate, par percolation en profondeur au-delà de la profondeur d’enracinement.
Cette circulation de l’eau démarre lorsque l’eau a saturé la capacité de rétention d’eau par le sol : c’est le début de la percolation ou du drainage du sol au-delà de la profondeur d’enracinement (le volume d’eau qui percole est appelée “lame d’eau drainante”). Sous notre climat, cela se produit principalement pendant l’automne et l’hiver en fonction du régime des pluies.
La lame d’eau drainante sera ainsi maximale lorsque :
- le cumul de pluie est élevé ;
- les sols ont une faible capacité de rétention d’eau (texture sableuse et/ou beaucoup de pierres) ;
- la profondeur d’enracinement est faible (sol nu en interculture, culture peu développée ou culture bien développée mais sur un sol présentant des obstacles à l’enracinement qui limitent l’exploration racinaire).
L’intensité de la lixiviation du nitrate est une combinaison de la lame d’eau drainante et de la quantité de nitrate présente dans le sol au moment où le drainage se produit. Plus cette quantité est élevée, plus le risque de perte est élevé.
Certaines pratiques, telles que l’implantation de couverts végétaux en interculture, la bonne gestion des apports de matières organiques et de la fertilisation de la culture précédente permettent de limiter quantité de nitrate présente dans le sol au moment où le drainage se produit.
Ressources :
La volatilisation d’ammoniac (NH3) est le transfert vers l’atmosphère de l’ammoniac gazeux présent dans la couche d’air située juste à la surface du sol. Cet ammoniac en phase gazeuse est issu de la transformation de l’azote présent sous forme d’ammonium (NH4+) à la surface du sol (alimenté « directement » par les engrais ou bien issu de la transformation de l’urée apportée ou de la matière organique présente à la surface du sol).
Tout cela se passe en surface du sol du champ cultivé. Si l’ammonium est entrainé rapidement dans le sol au-delà de 5 cm de profondeur, sa transformation en ammoniac est considérablement réduite.
Les pertes par volatilisation surviennent très rapidement après les apports d’engrais azotés : la majorité de la volatilisation se produit ainsi dans les heures qui suivent, et elle est pratiquement achevée au bout d’un délai de 3 semaines.
Afin de minimiser ces pertes :
- éviter les conditions sèches, chaudes (> 13°C) et venteuses (> 19 km/h) au moment de l’apport ;
- si possible faire les apports avant les pluies (idéal : cumul de 10-15 mm dans les jours suivants) ;
- enfouir l’apport dans les 4h ;
- pour les apports de matière organique, choisir le bon matériel : pendillard, enfouisseur.
Ressources :
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La fixation symbiotique est une piste pour des productions végétales plus autonomes en azote ainsi que pour réduire les émissions de GES liés aux engrais de synthèse. Or, la France vise à renforcer sa souveraineté en sources de protéines végétales. En 2021, l’étude des multi-performances des systèmes de culture sans et avec pois ou féverole dans six cas représentatifs de la région a montré l’intérêt agro-environnemental de ces cultures. L’intérêt est aussi économique en pluriannuel selon les types de contrats et le degré d’optimisation des systèmes et apports azotés sur les cultures suivantes. Avec la quantification de l’atténuation du changement climatique associée aux systèmes évoluant avec l’insertion de pois, féverole, lentille ou soja (étude 2022), un plus financier serait possible via les crédits carbone. Gérer au mieux la couverture du sol permet à la fois d’éviter les pertes par lixiviation et de favoriser le stockage de carbone dans les sols. Pour rechercher la bonne maîtrise de la culture de la légumineuse à graines dans un contexte d’aléas climatiques renforcés, des diagnostics agronomiques en parcelles ont été menés sur les 2 campagnes agricoles par Terres Inovia avec les conseillers et agriculteurs du projet.
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La conception et gestion d’une unité de méthanisation collective fait émerger de nombreuses questions à la croisée des enjeux des agriculteurs et des gestionnaires de méthaniseurs : quelles biomasses produire, quelle variabilité interannuelle de cette production, quelle capacité de stockage, quelle production de biogaz, quelles caractéristiques de digestats et quels modes de restitution au sol, quels effets sur les cycles de l’azote et du carbone et le bilan de GES... Se pose également la question des performances environnementales et socio-économiques associées à ce type de projets pour chaque exploitation et pour le collectif dans son ensemble. Pour répondre à ces questions, la plateforme MAELIA, développée par INRAE, a été utilisée par les Chambres d’Agriculture de la Meuse et des Vosges ainsi que la coopérative EMC2 pour conduire une évaluation intégrée de projets. MAELIA permet de représenter la structure et la dynamique des systèmes agricoles et de méthanisation et d’évaluer leurs performances sur une très large gamme d’indicateurs.
Ressources :
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Contact :
Honorine Peureux-Gabriel
honorine.peureux-gabriel@grandest.chambagri.fr